Selon la Commission européenne, les géants du numérique sont en moyenne deux fois moins imposés que les entreprises traditionnelles dans l'UE. Mais les différents pays européens n'ont pas réussi à s'entendre sur la mise en place d'une "taxe GAFA". C'est pourquoi plusieurs pays dont la France ont décidé d'instaurer leur propre législation nationale sur le sujet. Nous vous proposons de mieux comprendre la taxe Gafa en 6 points.
1- L'Europe n'est pas parvenue à un accord
Selon la Commission européenne, le taux d'imposition moyen des géants du web comme Google, Facebook et Amazon n'est que de 9% contre 23% pour les entreprises européennes en général.
Pour remédier à cette "injustice inacceptable", le ministre français de l'économie Bruno Le Maire a défendu l'idée d'une taxe Gafa européenne.
Mais il a échoué à convaincre les quatre pays européens opposés à cette taxe que sont l'Irlande, la Suède, le Danemark et la Finlande. Or, l'unanimité est nécessaire dans l'UE pour faire adopter les décisions concernant la fiscalité.
2- Certains pays vont donc instaurer leur propre taxe
En décembre 2018, lors du mouvement des "gilets jaunes", Bruno Le Maire avait déjà annoncé la volonté de la France de se doter de sa propre législation, faute de consensus européen sur la question.
La France n'est d'ailleurs pas la seule à envisager de taxer les géants du web, puisque des projets de taxe similaires existent en Italie, en Espagne, en Autriche et au Royaume-Uni.
En France, le ministre de l'économie a présenté son projet de loi sur la taxe Gafa le 6 mars dernier.
Auparavant, le gouvernement britannique avait adopté fin octobre 2018 une taxe à hauteur de 2% pour 2020 et, en Espagne, le gouvernement de Pedro Sanchez a fait approuver, en janvier 2019, une taxe de 3% sur les entreprises du numérique dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros.
Bien sûr, ces initiatives nationales ont fait réagir les États-Unis. Chip Harter, responsable de la fiscalité internationale au Trésor américain, a dénoncé le projet de taxe français comme "très discriminatoire" à l'égard des entreprises américaines.
Il a déclaré dans la presse que : "Les États-Unis s'opposent à toute proposition de taxe sur les services numériques, qu'elle soit française ou britannique".
3- La France a opté pour un taux unique de 3%
Malgré les menaces américaines de porter plainte auprès de l'OMC, la France a retenu l'idée de taxer ces entreprises sur le chiffre d'affaires réalisé dans l'Hexagone.
Le gouvernement a toutefois renoncé à l'idée d'un barème progressif allant de 3% à 5% pour des raisons de sécurité juridique.
Le taux unique de 3% finalement retenu par la France correspond à celui envisagé dans le projet de taxe Gafa européenne qui n'a pas abouti.
Cette taxe de 3% devrait s'appliquer à l'ensemble de l'année 2019, même si le texte ne devrait être présenté qu'en avril en première lecture à l'Assemblée nationale.
Elle s'appliquera sur les revenus issus de la publicité en ligne, de l'exploitation des données personnelles et du chiffre d'affaires des plates-formes.
4- Une centaine d'entreprises pourraient être concernées
Cette taxe Gafa à la française concernera les entreprises dont les activités numériques génèrent un chiffre d'affaires de 750 millions d'euros dans le monde et de plus de 25 millions d'euros en France.
Bruno Le Maire a déclaré dans la presse qu'"une trentaine de groupes seront touchés".
Mais, selon les estimations des services fiscaux, une centaine de sociétés pourraient être concernées par cette nouvelle taxe.
Heureusement, grâce au double seuil d'entrée prévu (750 millions d'euros de chiffre d'affaires digital au niveau mondial, dont 25 millions d'euros en France), les start-up françaises ne seront pas pénalisées.
Le ministre de l'économie a également précisé que la taxe sera déductible du résultat comptable sur lequel est calculé l'impôt sur les sociétés, afin de ne pas pénaliser les entreprises qui paient déjà leurs impôts en France.
5- Son rendement sera moindre
Selon les premières déclarations de Bruno Le Maire, cette taxe Gafa devait rapporter 500 millions d'euros à l'État français.
Finalement, ce rendement de 500 millions d'euros ne serait atteint qu'en 2020 avec le taux unique de 3%.
Bercy s'attend à un moindre rendement fiscal et de nombreuses ONG dénoncent "une mesure très limitée" en soulignant que le secteur du numérique "n'est pas le seul à jouer avec notre système fiscal obsolète".
6- Une taxe mondiale pourrait suivre
En fait, la taxe Gafa instaurée par la France ne serait qu'un pis-aller en attendant une harmonisation fiscale au niveau de l'OCDE à l'horizon 2020.
Cette taxe française ne sera peut-être qu'une première étape vers un projet plus ambitieux porté par l'OCDE : l'élaboration d'une taxe GAFA mondiale qui permettrait de surmonter les blocages politiques et surtout d'éviter des stratégies de contournement de la part des États réfractaires...
Comme la mise en place d'une telle taxe mondiale va prendre du temps et n'est pas encore acquise, les initiatives nationales comme celles de la France ne sont pas inutiles.
Favorable à cette taxe mondiale, Bruno Le Maire a par ailleurs déclaré qu'il espérait parvenir à "une position européenne commune à défendre au sein de l'OCDE".