Membre du collectif des Economistes Atterrés, Christophe Ramaux, Chercheur au Centre d'économie de la Sorbonne-Matisse, Auteur, et Enseignant à l'Université Paris 1, critique les idées préconçues au sujet de la dette publique. Son point de vue, une analyse « Keynésienne » du système, agrémentée, en priorité, de solutions de relance de la compétitivité.
Pour l’économiste averti, la dette publique n’est pas négative car elle stimule l’investissement, malgré un excès d’endettement
Si les libéraux diabolisent le concept de la dette publique, Christophe Ramaux, quant à lui, choisit d’en faire d’éloge : « La dette publique est légitime car l’Etat produit de la richesse. Un fonctionnaire contribue donc au PIB ».
Légitimer la dette n’indique pas forcément un signe de mauvais augure, lorsque cette dernière permet de relancer la compétitivité d’une nation. « Qui dit dette dit créances ». Autrement dit, toute dette représente une créance. Sans dette, on ne pourrait pas lancer ou relancer l’activité économique. La dette publique est donc aussi légitime que la dette privée, selon l’analyse de l’économiste.
« La bonne solution pour résoudre le problème de la dette pourrait provenir d’une intervention massive de la BCE, accompagnée d’une politique de relance provoquant ainsi « un effet cagnotte », à la source d’une relance des investissements.
Une libéralisation des marchés poussée "à l’extrême"
Depuis 2007, les experts s’accordent à reconnaitre que le système a été « poussé à l’extrême », par le monde de la finance libéralisée.
Christophe Ramaux s’insurge. Les créanciers de la dette publique tentent « d’enrayer le système Keynésien », en provoquant son creusement par le biais d’un retour forcé aux politiques libérales d’une austérité extrême dans les pays en grandes difficultés tels que la Grèce, l’Espagne, l’Irlande, ou encore le Portugal.
Parmi les différentes solutions envisageables vers une sortie de crise, Christophe Ramaux prône l’émancipation des états face à la menace des marchés, grâce au « rachat de titres publics par la BCE. »
Dette privée versus dette publique
Christophe Ramaux rappelle que 2007 n’est pas l’année de l’explosion de la dette publique mais de la dette privée.
En France, la dette privée brute est un problème. Elle représente 200 % du PIB alors que la dette publique ne représente que 80 % du PIB. Lorsque la crise a démarré aux Etats Unis, le montant de la dette privée américaine représentait alors 300 % du PIB, à égalité avec l’Espagne.
Ce qui a gonflé dans les années 1990-2000, c’est le montant de la dette privée, pour sauver la croissance. Si les états n’étaient pas intervenus, l’effondrement aurait été effroyable, souligne l’expert.
Si l’Etat possède les moyens de faire "courir la dette publique", ce n’est pas le cas des ménages …
Le défaut de recettes a creusé la dette publique, certes. Mais une dette publique correspondant à 80 % du PIB n’est pas une valeur exacte, d’après l’explication de l’économiste.
Les ménages, par exemple, dépassent fréquemment un taux d’endettement de 100%, supérieur au PIB. Cela ne représente pas un problème en soi, ni pour les entreprises, ni pour les particuliers, à une exception près : « les portefeuilles privés sont obligés de rembourser leurs dettes », ce qui n’est pas le cas des Etats.
Une nation peut se permettre de faire « courir sa dette ». Autrement dit, si l’Etat est dans l’obligation de rembourser, en priorité, le montant des taux d’intérêts à ses créanciers, il peut cependant reporter le remboursement de son emprunt, étalé sur plusieurs générations. »Un avantage en matière de compétitivité et de relance des investissements ».
Christophe Ramaux réévalue ainsi le montant « effectif » de la dette publique à « seulement 2.5 % du PIB soit 50 milliards d’euros. »
Un modèle social européen enrayé par la réalité d’une Europe "libérale"
Accroitre l’harmonisation des grandes orientations sociales
Christophe Ramaux analyse le système financier actuel comme un moyen d’adapter les sociétés européennes aux exigences de la mondialisation, en diminuant les politiques sociales au bénéfice d’une stratégie dérégulation des marchés financiers.
Les traités européens ne représentent actuellement qu’une opportunité d’ouverture adaptée aux politiques néo-libérales.
Parmi les solutions alternatives pour éviter la crise, Christophe Ramaux propose l’organisation d’une banque de règlements spécialisée dans les prêts entre membres de l’Union Européenne, chargée de l’établissement d’un régime du budget européen.
L’économiste prône un retour vers la protection du modèle social plutôt que la sécurisation des « super structures », via une remise en question de la libre circulation des capitaux, grâce à de nouveaux accords multilatéraux ou bilatéraux.
Du côté des Economistes Atterrés, les avis sont partagés …
Au cœur des débats citoyens alternatifs, l’analyse de Christophe Ramaux ne provoque pas l’unanimité.
Certains experts affirment que la dette publique s’est creusée pour des motifs illégitimes, notamment en faveur des cadeaux fiscaux, et qu’il devient indispensable d’annuler une partie de son montant pour repartir sur des bases neutres, assainies.
Du point de vue de Christophe Ramaux, le néo-libéralisme entretien « volontairement » une notion de catastrophisme, afin de dégager un maximum de bénéfices de la crise mondiale à la source d’une fulgurante augmentation des taux d’intérêts, dont les créanciers comptent bien profiter, le plus longtemps possible. le discours sur l’enrayement de la dette contribue à la diabolisation des emprunts dans sa version la plus néo-libérale. »
La bonne réponse à la dette consisterai, selon l’économiste, en une Intervention de la BCE, accompagnée de politiques de relance, « par le haut, non par le bas ».
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« L'Etat social. Pour sortir du chaos néolibéral »
Auteur : Christophe Ramaux
Editions Fayard – Mille et une nuit (2012)