Le 29 mai dernier, la ministre du travail Muriel Pénicaud appelait les Français à consommer davantage pour soutenir l’économie française et l’emploi. Mais dépenser l'argent épargné pendant le confinement suffira-t-il vraiment à relancer la croissance ? Éléments de réponse.
Une économie française en berne
Comme de nombreux autres pays dans le monde, la France subit les conséquences du confinement et du coup d’arrêt que celui-ci a donné à l’économie.
Les perspectives économiques pour les mois à venir sont plutôt sombres puisque la Banque de France anticipe un recul du PIB de l'ordre de 10% cette année, suivi d'un rebond de 7% en 2021. Selon les économistes de la banque centrale, il faudra attendre la mi-2022 pour que l'économie française retrouve son niveau de fin 2019.
En résumé, il faudra donc plus de 2 ans pour effacer les effets du confinement et de la pandémie de Covid-19 sur notre économie.
Cette crise sanitaire risque surtout d’affecter durablement l’emploi, avec un taux de chômage en hausse rapide. Les spécialistes s’attendent à un pic de chômage dans la première moitié de l'année 2021, avec, selon leurs estimations, 1,15 million de personnes sans-emploi en plus par rapport à la fin 2019.
La consommation, moteur de la reprise
Dès 2020, les effets de l’épidémie de coronavirus vont se faire sentir sur l’activité économique : au deuxième trimestre 2020, on devrait observer un recul de l'activité d'environ 15% lié au confinement.
Les trimestres suivants, la reprise devrait être lente, avec une activité inférieure de 10% au troisième trimestre et de 7% au quatrième trimestre 2020 par rapport à une situation sans crise sanitaire.
Or, la consommation des ménages, qui représente d'ordinaire environ un tiers de la croissance française est l’une des clés de la reprise. C’est pourquoi le 29 mai dernier, la ministre du Travail Muriel Pénicaud appelait les Français à ressortir et à consommer.
Pendant le confinement, les Français empêchés de sortir et de consommer ont beaucoup épargné. La fermeture de nombreux commerces a incité nos concitoyens à épargner une part plus importante de leurs revenus, notamment sur leur livret A : en avril 2020, ce livret d’épargne a enregistré un record de collecte de près de 5,5 milliards d’euros.
Plus globalement, la Banque de France estime dans un récent rapport qu'en 2020, les Français vont épargner 100 milliards d’euros de plus que prévu, une somme astronomique qui représente habituellement 6% des dépenses annuelles de consommation des ménages.
Mais, comme le déclarait fin mai la ministre du Travail : "Cet argent, c’est bien aussi qu’il re-circule, parce que c’est ce qui va faire repartir le commerce, l’industrie, ça aidera beaucoup à la reprise d’activité."
L’État en première ligne
Depuis la fin du confinement, le 11 mai dernier, les Français ont retrouvé le chemin des boutiques et des centres commerciaux. La fréquentation des commerces et les ventes grimpent, mais l’envie de consommer à nouveau risque de ne pas suffire.
En effet, les consommateurs restent prudents et ne vont sans doute pas dépenser en intégralité l'épargne forcée des mois de confinement. La Banque de France anticipe "des comportements d'épargne de précaution" bien légitimes en raison d’"un environnement économique dégradé et incertain, des revenus plus faibles qu'avant-crise et de la montée du chômage".
De plus, l’idéal serait aussi que les 100 milliards d’euros mis de côté soient majoritairement dépensés en biens et services français, afin de profiter à l’économie hexagonale et aux emplois en France.
Mais comme on ne peut bien sûr obliger personne à consommer ni à privilégier les produits made in France l’État français et l’Europe ont d’ores et déjà adopté une autre stratégie : profiter des taux de crédit très bas que cet excès d'épargne entraîne pour endetter les États et leur permettre de dépenser afin de favoriser la relance.
Il faut d’ailleurs souligner que, jusqu’à présent, c’est en majorité l’État qui a absorbé le choc de la crise sanitaire, et non pas les ménages et les entreprises.
En instaurant le dispositif de chômage partiel et en apportant différentes aides et garanties publiques de prêts aux entreprises, l’État français a assumé plus de 60% de la perte de revenu de la nation, contre seulement 15% pour les ménages et 24% pour les entreprises.
L’État a amorti le choc de la crise, quitte à faire grimper la dette publique qui atteindra environ 120 points de PIB à la fin 2020.