Protectionnisme : Donald Trump aurait-il raison ?
Donald Trump a provoqué un tollé mondial quand il a annoncé l'instauration de fortes taxes sur les importations d'acier et d'aluminium aux États-Unis. Beaucoup de commentateurs ont évoqué le risque, pour les États-Unis, de déclencher une guerre commerciale avec leurs principaux partenaires. Le président américain pourrait-il malgré tout avoir raison ? Sa décision a au moins eu le mérite de relancer le débat sur les vertus respectives du libre-échange et du protectionnisme. Explications
C'est une protection contre la concurrence déloyale
En signant, le 8 mars 2018, des décrets instaurant des droits de douane de 25% sur l'acier et 10% sur l'aluminium importés aux Etats-Unis, Donald Trump a relancé le débat mondial autour du protectionnisme.
Dans un contexte économique globalisé, le protectionnisme consiste à protéger l'économie de son pays contre la concurrence étrangère, en utilisant différents moyens :
=> des taxes sur les importations
=> des limites quantitatives comme les quotas
=> des normes sanitaires, techniques ou environnementales à respecter.
En décidant d'imposer des barrières douanières aux importations d'acier et d'aluminium, Donald Trump a respecté l'une de ses principales promesses de campagne : faire passer en premier les intérêts américains (conformément à sa formule "America first").
Car le président américain a raison sur un point : les secteurs de l'acier et de l'aluminium aux Etats-Unis ont vraiment été dévastés par la concurrence déloyale de la Chine.
La production d'acier américain a chuté de près de 100 millions à 82 millions de tonnes en dix ans. Des centaines de milliers d'emplois d'ouvriers américains ont été perdus. Dans le même temps, les importations ont augmenté de plus de 50%.
Tous les pays le font peu ou prou
Il faut aussi souligner que Donald Trump n'est pas le premier à prendre des mesures protectionnistes pour son pays.
La plupart des grandes puissances économiques pratiquent le protectionnisme, et pas seulement les États-Unis !
Si l'on se réfère aux données de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), on peut mesurer le niveau de protectionnisme des pays à travers les droits de douane qu'ils appliquent aux importations.
Parmi les pays du G20, la Corée du Sud, l'Argentine, le Brésil et l'Inde sont les plus protectionnistes sur le plan tarifaire, tandis que l'Australie, les États-Unis, le Japon et le Canada sont les moins protectionnistes.
On constate aussi que tous les pays, quel que soit leur niveau moyen de patriotisme économique, appliquent un protectionnisme ciblé sur certains secteurs, afin de protéger les producteurs de la concurrence étrangère.
En règle générale, l'agriculture est plus protégée que l'industrie au niveau mondial pour des raisons de sécurité alimentaire et d'indépendance.
Le Canada, pays globalement peu protectionniste (avec un taux moyen de 4,10%) applique par exemple des droits de douane extrèmement élevés (248,9%) sur les produits laitiers importés afin de favoriser les producteurs locaux.
En Europe aussi, certains produits (agricoles notamment) sont très protégés par des systèmes de prix d'entrée ou des quotas tarifaires.
Ce n'est pas sans conséquences
Bien sûr, le protectionnisme n'a pas que des avantages... Il a même un gros inconvénient : celui de susciter rapidement des réactions défensives de la part des autres pays.
En riposte à la politique protectionniste de Donald Trump, l'Union européenne pourrait ainsi décider de taxer à son tour plusieurs produits américains comme les motos Harley Davidson, les jeans Levis, le beurre de cacahuètes, le jus d'orange et le bourbon du Kentucky.
De même, les denrées agricoles en provenance des États-Unis pourraient faire l'objet de sanctions de la part de la Chine, en riposte aux taxes sur l'acier et l'aluminium.
Aux Etats-Unis, les conséquences négatives pourraient affecter les secteurs frappés par des mesures de rétorsion, mais aussi les industries consommatrices d'acier et d'aluminium (l'automobile, l'équipement agricole, l'électroménager, et les équipements de forage pétrolier) qui seront logiquement impactées par une hausse des coûts.
Les effets des décisions de la Maison-Blanche sur l'emploi et la production industrielle américaine sont donc incertains.
Il est bon d'ouvrir le débat
Au-delà de l'impact de ces mesures sur l'économie américaine, la décision de Donald Trump a au moins le mérite de remettre en question la doctrine libre-échangiste (presque) unanimement acceptée.
En matière d'économie, il existe en effet un dogme défendu par une écrasante majorité d'économistes selon lequel que le libre-échange serait toujours et en tout lieu la meilleure solution pour assurer la croissance et le plein-emploi.
Mais cette doctrine repose en fait sur un postulat erroné : elle suppose que le commerce mondial s'appuie sur des règles garantissant des échanges équitables et qui profitent à tous. Mais c'est faux.
Les pays qui tirent le mieux leur épingle du jeu dans la mondialisation sont généralement les plus protectionnistes, à commencer par la Chine !
Or, Donald Trump sait lui aussi jouer à ce jeu-là et a décidé de mettre en place un rapport de forces en vue d'obtenir un meilleur "deal" pour les entreprises américaines. Seul l'avenir nous dira si sa méthode fonctionne ou non...