La Banque de France veut créer un marché de l'or à Paris
À la faveur du Brexit, la Banque de France s'est associée à la banque américaine JPMorgan en vue de concurrencer Londres sur le marché de l'or. L'institution y a ouvert un compte afin de pouvoir réaliser des transactions sur l'or qui est stocké dans son sous-sol. Son ambition est de faire de Paris une place incontournable du métal jaune. Explications.
Petite révolution à la Banque de France
Le journal Les Echos a révélé le 9 novembre 2018 que la Banque de France avait ouvert un compte auprès de JPMorgan pour réaliser des transactions sur l'or stocké dans ses coffres.
La banque américaine JPMorgan est en effet le leader mondial sur ce marché.
La Banque de France entend ainsi développer sa gamme de services de transactions sur l'or auprès de sa clientèle de banques centrales étrangères.
Il faut dire que la Banque de France détenait dans ses coffres 2436 tonnes d'or, en septembre 2018, ce qui la place au cinquième rang mondial, selon la revue Alchimist.
Différents services d'investissement dans l'or
En s'associant à JPMorgan, la Banque de France va pouvoir faire fructifier les stocks d'or qui dorment dans son sous-sol.
La BdF peut désormais fournir des services d'investissement dans l'or tels que les dépôts rémunérés ou "gold deposits", les swaps-or-contre-devises, les prêts et le leasing d'or.
Les gold deposits sont des prêts d'or sur une durée déterminée contre une rémunération. Les intérêts sont perçus sous la forme d'onces d'or.
Les swaps contre devises sont des contrats prévoyant un échange d'or contre des devises (euro ou dollar par exemple) lors de la mise en place de l'opération, puis un échange en sens inverse à l'échéance du contrat, à un prix de l'or fixé lors de la signature du contrat.
Enfin les location/quality swaps sont des échanges temporaires d'or entre deux lieux ou deux standards de qualité.
Tous ces services financiers destinés aux détenteurs d'or vont permettre de rendre liquide l'or qui se trouve à Paris.
Mais ils ne concerneront pas tout le stock de la Banque de France : en effet, les réserves de l'État français devraient être exclues de ces transactions.
Une volonté de concurrencer Londres
Actuellement, la City à Londres est de loin la plateforme de négoce la plus importante pour le métal jaune.
En nouant ce partenariat avec JPMorgan, la place de Paris veut concurrencer la suprématie londonienne, gagner des parts sur le marché de l'or et redevenir un marché clé pour ce métal.
Jusqu'à présent, les banques centrales détenant de l'or à la Banque de France devaient passer par Londres pour réaliser leurs transactions. Désormais, il est possible pour la Banque de France de les proposer également depuis Paris.
Depuis la crise financière de 2008, ce métal précieux a confirmé son statut de valeur refuge et s'est avéré un très bon atout de diversification.
La Banque de France a vu une opportunité pour la place de Paris de répondre à une demande croissante des détenteurs d'or : tirer une rémunération de leur actif.
De grands travaux de rénovation
Pour concurrencer la City dans un climat d'incertitude lié au Brexit, la Banque de France n'a pas hésité à engager de gros travaux de rénovation.
Elle est en train d'achever la rénovation de ses coffres-forts historiques, où l'or de l'État français et de ses clients est conservé.
Le sol de "la Souterraine", salle de 11.000 m2 située à 27 mètres de profondeur, a été renforcé pour supporter des chariots élévateurs lourds. De nouvelles étagères vont également faciliter la manipulation des barres.
Enfin , la BdF a prévu de se doter d'ici à la fin de l'année d'un nouveau système informatique afin de répondre au mieux aux opérations de marché et aux autres services de conservation.
Paris se prépare à l'après Brexit
Pour l'instant, même le Brexit ne semble pas pouvoir remettre en cause la suprématie historique de la capitale anglaise sur le marché de l'or.
Cette opération s'inscrit toutefois dans un mouvement plus vaste qui voit la place financière de Paris chercher à obtenir un rôle central en Europe après le Brexit.
Déjà en mai dernier, le gouverneur de la BdF, François Villeroy de Galhau, avait déclaré que la Banque de France avait pour ambition de "devenir en Europe la banque centrale des marchés".
Selon JPMorgan, la capitale française ne manque pas d'atouts : elle bénéficie d'une situation géographique attrayante et d'un bon réseau de transport avec le reste de l'Europe et avec l'ensemble des participants de marché mondiaux.