Le président Emmanuel Macron a fait de l'augmentation du pouvoir d'achat l'une de ses promesses récurrentes. Mais, alors que l'Insee estime à 1,6% la hausse de pouvoir d'achat en 2017, les Français sont 68% à avoir le sentiment qu'il a baissé. D'où vient ce décalage entre les chiffres et le ressenti des ménages ?
Le pouvoir d'achat est complexe à évaluer
En théorie, le pouvoir d'achat est une notion plutôt simple. Il correspond à la quantité de biens et de services qu'un ménage peut consommer avec l'argent dont il dispose.
Il est donc influencé par deux facteurs : le coût de la vie d'une part et le revenu disponible d'autre part.
Pour le calculer, il faut mesurer l'évolution des revenus et des prix.
La mesure des prix est donnée par l'indice des prix à la consommation ou IPC calculé par l'Insee à partir d'environ 200.000 relevés de prix sur un échantillon de produits et services représentatifs de la consommation française.
La mesure des revenus des ménages est plus complexe, car les revenus recouvrent non seulement les salaires, mais aussi les revenus sociaux et les revenus de l'épargne, auxquels il faut soustraire les impôts et les taxes.
Le pouvoir d'achat est donc une réalité très difficile à saisir et tout calcul doit être interprété avec précaution même s'il reste indispensable pour revaloriser les loyers, les retraites et les pensions alimentaires.
Il y a un fossé entre statistiques et ressenti
En matière de pouvoir d'achat, il est fréquent que le ressenti des Français diffère des données statistiques publiées par l'Insee.
D'où vient ce décalage ?
Plusieurs raisons peuvent l'expliquer :
=> les statistiques s'appuient sur un "panier moyen" qui ne correspond jamais tout à fait à ce que les ménages consomment réellement car chaque ménage a ses propres habitudes de consommation (par exemple, les locataires consacrent une part plus importante de leur budget à leur loyer et les personnes âgées à leurs dépenses de santé)
=> le calcul du revenu disponible est biaisé puisque le remboursement d'un prêt immobilier n'est pas pas pris en compte par l'Insee dans ce calcul.
=> les consommateurs sont plus sensibles à la hausse des prix sur les achats courants et répétitifs, alors que les achats occasionnels de biens durables représentent pourtant une part plus importante dans leurs dépenses et que leurs prix ont tendance à diminuer.
=> quand un indice progresse en moyenne, cela ne signifie pas qu'il progresse pour le plus grand nombre.
Ce phénomène est très bien expliqué dans la vidéo suivante, élaborée par le site pédagogique Dessine-moi l'éco :
Par conséquent, les ménages ont le sentiment que "tout augmente" et citent pêle-mêle la hausse de la CSG et du tabac, celle des carburants, des factures, des prix et du gaz.
Selon un sondage Elabe réalisé pour Les Echos les 30 et 31 janvier 2018, auprès d'un échantillon de 1000 personnes, 44% des Français affirment se restreindre ou ne pas avoir de revenus suffisants.
Il y a une incompréhension des mesures engagées
Dans le cadre de ce sondage, les Français ont été interrogés sur les effets de la politique d'Emmanuel Macron sur la situation économique du pays.
Seul un quart des Français (24%) pensent qu'elle va s'améliorer, 44% qu'elle va rester stable et 32% qu'elle va se dégrader.
Mais surtout, les sondés sont beaucoup plus pessimistes quant à leur propre situation financière : 58% d'entre eux estiment que cette politique va la dégrader, 34% qu'elle ne bougera pas et seulement 8% qu'elle va s'améliorer.
Par ailleurs, près d'un Français sur deux (48%) pense que les mesures du gouvernement concernant les cotisations, la CSG et la taxe d'habitation vont réduire leur pouvoir d'achat.
Selon "la théorie du bonneteau", les ménages ont l'impression qu'on donne d'une main, on reprend de l'autre et, au final, personne ne gagne rien.
Les mesures du gouvernement ont été difficiles à comprendre et leur étalement (baisse des cotisations en deux temps, suppression de la taxe d'habitation en trois ans) a encore aggravé leur perception par les citoyens.