Peut-être pratiquez-vous le patriotisme économique comme Mr Jourdain faisait de la prose... sans le savoir ! Pour le consommateur, cela consiste à privilégier les biens et les services produits dans son pays, c'est-à-dire, en ce qui concerne les Français, à acheter des produits made in France pour soutenir l'activité économique dans l'Hexagone. Nous vous proposons de découvrir plus en détails la notion de "patriotisme économique" et ses limites dans le contexte actuel de mondialisation.
Définition
Le patriotisme économique désigne un comportement des pouvoirs publics, des entreprises et des consommateurs.
Il consiste à favoriser les entreprises nationales et leurs produits ou services, au détriment des firmes étrangères.
Cette expression est apparue dans le débat public en 2005, lorsque Dominique de Villepin, alors Premier ministre, a réagi aux rumeurs prêtant à l'entreprise américaine PepsiCo l'intention de s'emparer de Danone, en déclarant : "Je souhaite rassembler toutes nos énergies autour d'un véritable patriotisme économique. Je sais que cela ne fait pas partie du langage habituel mais il s'agit bien de [...] défendre la France et ce qui est français."
Mais c'est le député UMP Bernard Carayon qui a développé ce concept, notamment dans son ouvrage Patriotisme économique, de la guerre à la paix économique, Le Rocher, 2005.
Plus récemment, Arnaud Montebourg a remis ce thème au goût du jour en faisant du made in France son cheval de bataille. Pour reprendre les propres mots de l'ancien ministre de l'économie : "Dans la guerre économique mondiale, il faut lutter ensemble pour défendre notre appareil productif : les producteurs, les consommateurs, les distributeurs, les financiers, les territoires et leurs élus et citoyens. Nous sommes tous concernés. Dans la compétition mondiale des nations, il faut savoir dépasser ses différences pour s'organiser et s'unir au niveau national, mais aussi européen."
Objectifs
Selon les partisans du patriotisme économique, cette préférence donnée aux entreprises locales est une légitime défense des intérêts économiques locaux (c'est-à-dire français ou européens selon le contexte).
Cette attitude, qui peut concerner les consommateurs, mais aussi l'Etat, les collectivités locales et les entreprises elles-mêmes, a pour objectifs :
=> de soutenir l'activité économique du pays
=> de renforcer la compétitivité des entreprises locales dans le contexte actuel de mondialisation et de concurrence accrue
=> de promouvoir la qualité d'un savoir-faire
=> de dynamiser la recherche
Cette forme de patriotisme appliquée à l'économie revêt généralement deux aspects :
=> un aspect offensif consistant à préserver ou développer les atouts compétitifs du pays, afin de conquérir des marchés à l'étranger
=> un aspect défensif visant à défendre les entreprises nationales face à la concurrence étrangère, notamment dans des secteurs stratégiques.
Ce deuxième aspect fait dire à ses opposants que le "patriotisme économique" ne serait qu'une forme déguisée de protectionnisme. Ils prennent pour exemple le protectionnisme financier de la France face à des multinationales étrangères voulant acquérir des entreprises françaises considérées comme "stratégiques" pour l'économie du pays (dans les domaines de la recherche, l'armement ou encore la sécurité des systèmes d'information...).
Mais les partisans de ce principe y voient un bouclier contre les "risques" de la mondialisation tels que les délocalisations, la fuite des cerveaux, la perte de la maîtrise ou la déstabilisation des entreprises.
Limites
Selon ses détracteurs, le patriotisme économique est une forme de protectionnisme qui ne sert pas, au final, les intérêts du pays.
Ses opposants soulignent plusieurs inconvénients :
=> les efforts menés dans ce sens n'ont guère eu d'effets mesurables
=> les mesures prises par l'Etat peuvent pénaliser l'image de la France auprès de ses partenaires internationaux
=> elles pourraient être en contradiction avec les engagements pris par la France dans le cadre de l'intégration européenne
=> elles pourraient entraîner des dispositifs symétriques de la part des autres pays
Le plus grand risque lié au "patriotisme économique" est d'être mal perçu à l'étranger bien que cette forme de préférence nationale soit aussi pratiquée par les autres pays !
Les Etats-Unis ont ainsi créé dès 1975 le Committee on Foreign Investment in the United States (CFIUS) suivi de l'Advocacy Center. Or, ce sont deux organismes qui officialisent le soutien de l'Etat aux entreprises américaines.
A l'échelle européenne, une telle politique consisterait à instaurer la préférence communautaire contre une concurrence jugée déloyale, par exemple dans le secteur agricole.
A leur niveau aussi, les consommateurs peuvent faire le choix des produits locaux. On voit ainsi se développer une tendance locavore (via des circuits de proximité et des marchés locaux) et une myriade de labels tricolores car le "made in France" fait vendre.