Le produit criminel brut bientôt intégré aux statistiques européennes
Les nouvelles normes du système européen des comptes (SEC) recommandent aux Etats membres de l'Union européenne d’intégrer, à partir de septembre 2014, les activités illégales dans le calcul du PIB. Certains pays comme l'Italie et le Royaume-Uni ont déjà annoncé qu'il prendraient en compte dans leurs statistiques nationales ce produit criminel brut, incluant notamment l'argent de la drogue et de la prostitution.
De nouvelles règles comptables dans l'UE
A partir de septembre 2014, l'Union européenne va appliquer de nouvelles règles comptables qui soulèvent des questions éthiques.
L'UE a en effet recommandé aux Etats membres d’intégrer, à partir de cette date, les activités illégales dans le calcul du PIB. Grâce à ce nouvel indicateur appelé produit criminel brut, l'Europe pourra mesurer l'impact sur le PIB des activités souterraines illégales telles que le trafic de drogue et la prostitution.
Cette annonce a soulevé un tollé dans plusieurs pays européens, mais en fait, cette idée n’est pas nouvelle : des estimations du poids économique des activités illégales sont déjà incluses dans le calcul du PIB depuis de nombreuses années. L’Institut européen de la statistique Eurostat souhaite simplement améliorer et harmoniser ce calcul pour obtenir une mesure plus fine et une meilleure comparaison entre des pays aux législations différentes.
Des réactions diverses
Suite à ces nouvelles recommandations européennes, l'Italie a annoncé le 22 mai dernier qu'elle intégrerait l'argent de la drogue, de la prostitution et de la contrebande de tabac et d'alcool dans le calcul de la richesse générée chaque année sur son territoire. En 2012, la Banque d'Italie avait évalué que l'économie criminelle représentait 10,9% du PIB italien. Augmenter ainsi le PIB et réduire en proportion le déficit public apparaît comme une aubaine pour l'Italie.
Le Royaume-Uni a suivi, estimant que les revenus générés par le trafic de drogue et la prostitution pourraient augmenter le PIB de 12,3 milliards d'euros, soit un peu moins de 1%.
D'autres Etats en revanche sont réticents à calculer leur produit criminel brut soit pour des questions éthiques (comme la France), soit par crainte de devoir diffuser des chiffres astronomiques …
Afin de se mettre en conformité avec ces nouvelles normes européennes, l’Insee a annoncé qu’il prendrait en compte les échanges commerciaux liés aux trafics de drogue dans les statistiques sur la richesse nationale, mais pas dans le calcul du produit intérieur brut. La France intégrera donc l'argent de la drogue dans le Revenu national brut (RNB) servant à déterminer la contribution française au budget de l’Union européenne.
En savoir plus
Ces nouvelles normes européennes posent la question de l’estimation, par définition très difficile, des activités illégales (trafic de stupéfiants, d'armes, de fausse monnaie, d'êtres humains etc.).
Bien qu'illégales, ces activités génèrent de la richesse. C'est pourquoi on parle de "produit criminel brut", une expression forgée sur le modèle du produit intérieur brut. Selon le FMI, le produit criminel brut mondial représenterait entre 700 et 1.000 milliard de dollars.
Selon, le professeur Friedrich Schneider de l'Université de Linz-Autriche, il ne faut pas confondre économie criminelle (aux activités illégales) et économie parallèle (qui englobe "tout ce qui se produit et se vend au noir", même si ce sont des produits légaux). Ce spécialiste évalue cette "économie de l’ombre" à18,6% du PIB au niveau européen et un peu plus de 10% du PIB en France.