Saviez-vous que la Chine a pour ambition de devenir le premier grand pays à émettre une monnaie numérique souveraine ? Alors que d’autres puissances économiques comme les États-Unis ou l’Union Européenne hésitent encore à développer une monnaie numérique de banque centrale, la Chine est en train de déployer le RMB numérique ou e-yuan à toute vitesse. Voici 5 choses à savoir sur ce projet de monnaie numérique chinoise.
1- La Chine est pionnière dans ce domaine
Depuis quelques années, les banques centrales s'inquiètent de la montée en puissance des cryptomonnaies comme le bitcoin ou la cryptomonnaie de Facebook (ex Libra).
C’est pourquoi, elles sont de plus en plus nombreuses à envisager de créer leur propre monnaie numérique.
La banque centrale chinoise (appelée Banque populaire de Chine ou PBOC) travaille sur un projet de yuan numérique depuis 2014.
La monnaie numérique chinoise est la plus avancée des nombreuses initiatives de monnaies numériques de banque centrale développées dans le monde entier.
Alors que d’autres puissances économiques comme les États-Unis ou l’Union Européenne hésitent encore à développer une monnaie numérique souveraine, depuis quelques mois, le gouvernement chinois cherche à promouvoir à tout prix sa monnaie 2.0 dans différentes villes du pays.
Ce yuan "numérique", aussi appelé DCEP (Digital Currency Electronic Payment), RMB numérique (renminbi numérique) ou e-yuan, n’est pas une cryptomonnaie sans banque centrale dont le cours fluctuerait au gré des transactions comme le bitcoin …
Cette devise est la version numérique du yuan papier : ainsi, même si elle est amenée à remplacer un jour l’argent liquide, sa diffusion continuera à être contrôlée par la Banque centrale et les institutions financières chinoises.
2- Elle a multiplié les tests sur le terrain
Depuis plusieurs mois maintenant, la Chine mène des tests sur le terrain, sous forme de programmes pilotes dans quatre villes laboratoires : Shenzhen, Suzhou, Xiong'an et Chengdu.
Dans ce pays où le paiement mobile est déjà populaire, les tests ont été déployés à grande échelle. En décembre 2020, des clients ont ainsi pu payer leurs achats en e-yuan dans 10.000 boutiques de la ville de Suzhou, située à l'ouest de Shanghai.
Plus globalement, depuis janvier 2020, des transactions d’une valeur de 1,1 milliard de yuan (140 millions d’euros) ont été effectuées grâce à cette devise numérique dans les quatre villes laboratoires, selon Fan Yifei, le vice-directeur de la Banque centrale chinoise.
Près de 120.000 particuliers et entreprises en Chine disposeraient déjà d’un portefeuille virtuel permettant d’utiliser ce nouveau moyen de paiement dématérialisé.
De plus, la Banque populaire de Chine travaille avec plus de 20 banques commerciales et entreprises de commerce électronique pour étendre l’utilisation de sa monnaie numérique souveraine, qui fera l’objet de tests plus approfondis lors des Jeux olympiques d'hiver de Beijing 2022.
3- Il existe déjà des cartes bancaires et des distributeurs de yuan numérique
Depuis peu, la Chine a atteint un nouveau stade dans le développement de son yuan numérique, en lui associant des cartes bancaires et des distributeurs automatiques.
En plus d’offrir une application mobile de type wallet pour utiliser le yuan numérique via smartphone, la Banque Populaire de Chine a lancé des tests avec des cartes bancaires dédiées au e-yuan.
Par exemple, le e-yuan ou renminbi numérique (RMB) est désormais utilisé à l’hôpital Tong Ren de Shanghai, sous la forme d’une carte de crédit numérique qui permet au personnel de payer facilement ses repas à la cantine.
Le processus de paiement est simple et, à chaque achat, vous savez combien vous avez dépensé et combien il reste sur votre carte car le terminal de paiement affiche le montant débité et le solde restant.
Du point de vue des utilisateurs chinois, cela n’a rien d’extraordinaire car ils sont déjà familiarisés avec les solutions de paiement numérique privées comme Alipay et We Chat Pay.
Autre avancée majeure, la Banque agricole de Chine a mis à disposition des habitants de la ville de Shenzen des distributeurs automatiques permettant de convertir les yuan classiques en e-yuan et vice versa.
Les habitants peuvent ainsi déposer et retirer de l'argent sous forme de monnaie numérique.
Ces diverses expérimentations retiennent beaucoup l’attention dans le monde entier : en effet, le yuan numérique reste une monnaie souveraine, conçue pour remplacer à terme les espèces en circulation, telles que les pièces de monnaie et les billets de banque ...
Les banques commerciales qui distribueront de la monnaie numérique aux utilisateurs devront déposer exactement le même montant de leurs réserves auprès de la PBOC.
4- Cette monnaie 2.0 pourrait signer la fin du cash
Avec ces différents programmes, la Chine souhaite inciter sa population à s’adapter à la numérisation du yuan car elle voudrait bien abolir l’argent liquide sur le long terme.
Ce pays, où les services bancaires évoluent à toute vitesse, se passe de plus en plus du cash.
La pandémie de Covid-19 n’a fait qu’accélérer cette tendance, en incitant les gens à payer avec leur smartphone plutôt qu’à manipuler des billets potentiellement porteurs du coronavirus.
Jusqu’à présent, les moyens de paiement numériques étaient contrôlés par des acteurs privés, comme Alibaba et son Alipay ou Tencent et son WeChat Pay.
Mais avec le e-yuan, le gouvernement chinois aurait enfin la possibilité de récupérer le pouvoir sur ces transactions. Cette monnaie dématérialisée permettrait notamment au pouvoir central de suivre les flux financiers et de prévenir le blanchiment d'argent ou la corruption.
5- La Chine a de grandes ambitions pour son e-yuan
Avec cette nouvelle monnaie expérimentale, émise et gérée par la banque centrale de Chine, le gouvernement a une double ambition : renforcer son contrôle sur l’économie nationale et bousculer l’ordre économique mondial.
La Chine a en effet depuis longtemps pour objectif d'internationaliser sa monnaie et d’un jour supplanter le dollar américain ! Le e-yuan pourrait l’y aider en incitant les utilisateurs d'autres pays à utiliser cette devise.
Comme l’utilisation de cette monnaie numérique nécessite simplement de télécharger un porte-monnaie virtuel sur son smartphone, cette solution pourrait aussi séduire les 1,7 milliard d’individus dans le monde qui ne peuvent pas ouvrir de compte en banque.
Le renminbi numérique pourrait donc devenir un formidable levier pour étendre la sphère d’influence chinoise dans les pays en développement.
De plus, dans la course aux monnaies numériques souveraines, le pays qui réussira le premier à proposer une telle devise à l’échelle internationale aura un avantage certain pour contrôler le marché.
On comprend mieux pourquoi Pékin est si pressé de promouvoir sa monnaie dématérialisée dans le pays et peut-être bientôt sur l’échiquier géopolitique mondial.