Si l'on en croit les affirmations du Front National et le ressenti des consommateurs, l'euro aurait fait "exploser" les prix depuis son introduction il y a 15 ans. Mais les prix ont-ils vraiment augmenté avec le passage à l'euro ? D'après les chiffres de l'Insee, ce serait plutôt l'inverse qui s'est produit : depuis 2002, la hausse des prix à la consommation a vu son rythme annuel ralentir par rapport aux 15 années précédentes. Explications.
Que disent les chiffres de l'Insee ?
On entend souvent dire que les prix ont augmenté avec l'euro. Mais si on regarde l'évolution de l'indice des prix à la consommation, c'est faux !
Cet indice est calculé chaque mois par l'INSEE en se basant sur le coût de plusieurs milliers de produits de consommation.
Certes, cet indice augmente chaque année mais à un rythme plutôt modéré : depuis le passage effectif à l'euro en 2002, les prix à la consommation ont augmenté de 1,4% par an en moyenne.
Or, l'inflation était plus élevée avant l'euro. Elle dépassait les 3% dans les années 1990, 5% dans les années 1980 et même plus de 10% dans les années 1970 !
Non seulement les prix n'ont pas "explosé" avec l'euro, mais les salaires et les revenus ont eux aussi continué d'augmenter (malgré un coup d'arrêt très net lors de la crise en 2008).
Selon l'institut d'études économiques Xerfi, depuis 15 ans, le pouvoir d'achat des Français a augmenté de 15% et ce, malgré la crise et le chômage de masse.
D'où vient cette impression de hausse ?
Les chiffres viennent donc démentir la perception que les Français peuvent avoir du renchérissement de la vie, depuis le passage du franc à la monnaie unique.
On peut se demander pourquoi les consommateurs ont l'impression que les prix ont fortement augmenté avec l'euro. Plusieurs raisons expliquent ce ressenti.
Lors du passage à l'euro en 2002, il y a eu un "effet d'aubaine" pendant l'année qui a suivi l'introduction de cette nouvelle monnaie. Certains commerçants en ont profité pour augmenter ponctuellement leurs prix sur des produits de très grande consommation comme la baguette de pain ou le café, ce qui a fortement marqué les esprits.
Selon la Commission européenne, ce phénomène a représenté une augmentation des prix de 0,2 ou 0,3% durant un an, soit 30 centimes de plus sur 100 euros d'achats. On est donc loin d'une explosion des prix.
Il est également difficile d'évaluer l'impact de l'euro sur le panier du consommateur car les prix n'ont pas augmenté au même rythme pour tous les produits.
Si certains ont effectivement connu une hausse, d'autres ont carrément baissé, comme l'électroménager, les voitures ou les abonnements télécom.
Dans le même temps, le prix des logements, de l'énergie, de l'eau et des produits frais a fortement grimpé. L'impact pour les consommateurs a été plus fort car il s'agit de produits de grande consommation, voire de première nécessité.
Or, le consommateur est plus sensible au prix des produits achetés fréquemment (par exemple des prix alimentaires en hausse), qu'à la baisse des équipements électroménagers.
Dernière raison probable : les personnes qui ont connu le franc gardent en mémoire le dernier prix d'un produit dans cette monnaie.
Avant 2002, le prix en francs de la baguette de pain était d'environ 4,31 francs soit 0,66 euro. En 2016, le prix moyen de cette même aguette est de 0,87 euro. Cela représente bien une hausse de près d'un tiers du prix (32%), mais il faut considérer que cette augmentation s'est produite sur une période de quinze ans (2002-2016), soit une hausse moyenne annuelle de 1,9 %...
Les hausses de prix sont-elles liées à l'euro ?
Même si le passage à l'euro est souvent accusé de ces hausses de prix, il n'en est pas toujours responsable.
En ce qui concerne le carburant par exemple, plus de 60% du prix d'un litre d'essence dépend de la fiscalité et des taxes. De plus, le pétrole se négocie en dollars sur les marchés internationaux des matières premières, si bien que son prix n'est pas du tout influencé par l'euro.
Pour les produits frais aussi, leur prix dépend en grande partie des cours des matières premières sur les marchés internationaux et des aléas climatiques. Parfois, la note grimpe, mais l'euro n'y est pour rien !
Enfin, ce sont aussi parfois des décisions de santé publique comme la hausse du prix du tabac qui grèvent le budget des Français.