L'incendie de Notre-Dame de Paris le 15 avril dernier est l'un des pires sinistres ayant touché le patrimoine historique français depuis la Seconde Guerre Mondiale. Cette catastrophe soulève de nombreuses questions, notamment sur la façon dont sont assurés de tels chefs-d'oeuvre. Comment les monuments historiques sont-ils assurés ? Peut-on estimer et indemniser les dégâts dans de tels édifices ? Éléments de réponse.
Qui assure les monuments historiques ?
La cathédrale Notre-Dame-de-Paris appartient à l'État depuis la loi de 1905.
Or, l'État est son propre assureur. Cela signifie qu'il assume seul les risques (d'incendie ou autres sinistres) dans de tels monuments et les dégâts éventuels.
Ce principe d'auto-assurance de l'État remonte au XIXe siècle : jusqu'en 1889, l'État pouvait faire appel à des compagnies privées pour s'assurer contre des dommages.
Mais une décision datant du 23 septembre 1889 a stipulé que "l'État n'assurerait plus ses biens contre l'incendie auprès de compagnies privées et garderait lui-même la charge des conséquences du feu".
Ce texte précise :
"L'administration considère que l'État, en raison du grand nombre et de l'importance de ses propriétés, doit être son propre assureur. Le chiffre annuel des primes que le Trésor aurait à payer, en cas d'assurance de tous ses immeubles, serait disproportionné avec la somme des indemnités qu'il pourrait être appelé à toucher".
En revanche, les collectivités locales ont la possibilité de s'assurer en complément de la garantie de l'État pour des monuments historiques.
Qui paie en cas de sinistre ?
Ce principe de l'auto-assurance de l'État a des conséquences très concrètes : en cas de sinistre, l'État français doit puiser directement dans ses caisses pour réparer les dégâts.
Donc, à moins qu'une entreprise soit déclarée responsable du sinistre, ce sont les contribuables qui paient les réparations, voire la reconstruction du monument.
Bien sûr, quand d'autres responsabilités sont engagées dans le sinistre, les responsables paient aussi.
Dans le cas présent, si l'une des entreprises chargées de la rénovation de Notre-Dame-de-Paris était à l'origine de l'incendie, l'État pourrait se retourner contre elle.
Les responsables de l'incendie auraient alors à payer le préjudice. Plus précisément, leur assurance couvrirait les dégâts dans la limite de leur responsabilité civile et les responsables paieraient sur leurs fonds propres dans la limite de leur solvabilité...
L'incendie de la cathédrale va donner lieu à une enquête destinée à déterminer l'origine de l'incendie et, probablement, à un procès pour déterminer les responsabilités (du maître d'ouvrage, des entreprises intervenues sur le chantier, des sous-traitants...).
Mais ce processus prendra beaucoup de temps et les montants éventuellement récupérés par ce biais seront de toute façon sans commune mesure avec les dégâts provoqués.
En effet, les assurances responsabilité civile des entreprises effectuant des travaux ont généralement des plafonds d'indemnisation de 1 à 2 millions d'euros.
Au final, l'État aura en totalité ou en partie la charge de la reconstruction. Il est très probable que l'État français débloque une enveloppe exceptionnelle sur plusieurs années pour la rénovation de Notre-Dame de Paris.
Les dons de mécènes privés (des particuliers et des entreprises) qui ont afflué depuis la catastrophe ont bien leur utilité. Ils vont permettre de faire baisser la note pour l'État et donc pour l'ensemble des contribuables.
Les œuvres d'art sont-elles assurées ?
Outre l'assurance de la cathédrale elle-même, se pose la question de l'assurance des œuvres d'art qu'elle abritait.
En général, tous les musées s'assurent sur les œuvres d'art abritées dans des bâtiments publics.
Plusieurs niveaux de couverture peuvent être souscrits, chaque oeuvre pouvant être assurée à hauteur de sa valeur totale de remplacement ou seulement en réparation.
Dans le second cas, l'assurance va couvrir la restauration ainsi que la dépréciation de l'oeuvre après restauration
En ce qui concerne les biens qui se trouvaient à l'intérieur de Notre-Dame de Paris, il appartient théoriquement à l'archevêché de Paris de les assurer.
Depuis la loi de séparation de l'Église et de l'État de 1905, les bâtiments sont assurés par l'État tandis que les biens sont assurés par des polices d'assurances spécifiques quand l'Église le peut.
Néanmoins, selon les experts, les œuvres d'art et les reliques ne sont généralement pas assurées parce qu'elles sont inestimables. Quand ce type d'oeuvre est entièrement détruite, elle n'est pas remplaçable et l'assurance ne peut pas dédommager sa perte.
Bon à savoir
Selon le ministère de la Culture, sur les 44.321 monuments historiques répertoriés en France, l'État est propriétaire de 2,7% des édifices.
En 2019, le budget du ministère de la Culture consacré à l'ensemble des monuments historiques et au patrimoine monumental s'élève à 345,7 millions d'euros.
Sur ce montant, 39,5 millions d'euros sont dédiés aux dépenses de fonctionnement.
Les 306,2 millions d'euros restants sont répartis entre les dépenses d'investissement (86,4 millions d'euros), les dépenses d'intervention (170,4 millions d'euros) et les dépenses d'opérations financières (49,37 millions d'euros).